Les apiculteurs consternés par l’immobilisme de l’État suite aux résultats très inquiétants de l’enquête sur les mortalités

, par  FFAP

Angers, le 30 octobre 2018

Communiqué de presse la Fédération Française des Apiculteurs Professionnels

Les apiculteurs consternés par l’immobilisme de l’État suite aux résultats très inquiétants de l’enquête sur les mortalités :

400 000 ruches décimées l’hiver dernier en France.
L’alerte avait été donnée par les apiculteurs et apicultrices de Bretagne à l’ouverture de leurs ruches ce printemps 2018.
Suite à leurs nombreuses actions et leurs multiples interventions auprès du ministère de l’agriculture, une enquête nationale avait été diligentée pour estimer l’ampleur des pertes sur l’ensemble du pays.
Les résultats viennent de nous être communiqués : 30 % des ruches françaises sont mortes. C’est 3 à 4 fois ce que l’on peut considérer comme des pertes hivernales normales. Avec de grandes variations, certains secteurs notant peu de pertes et d’autres des taux de pertes très inquiétants.
Et il convient de ne pas oublier qu’aux pertes hivernales s’ajoutent des pertes récurrentes tout au long de la saison.

Congratulation indécente et décalée…
L’administration, et ses nombreux représentants se sont largement congratulés sur la réalisation pour la première fois d’une telle enquête, tout en débattant longuement sur la fréquence à laquelle la reproduire. Mais aucun questionnement sérieux pour comprendre cette hécatombe et sur les moyens à mettre en place pour que ça ne se reproduise pas.

Surtout pas de focus sur les pesticides…
Aucune analyse, aucune investigation pour déterminer les causes de ces mortalités.
Alors que l’INRA, le CNRS, et une étude de l’ONIRIS ont démontré une contamination générale et des plus préoccupantes de l’environnement de nos abeilles.
Alors que maintenant, nectars et pollens sont tout au long de la saison, chargés de molécules toxiques, qui stockées dans la ruche, causeront des dysfonctionnements importants et des mortalités au fur et à mesure que les abeilles les consommeront.

Mais consensus pour mettre le focus sur le varroa…
Un grand débat est prévu pour un nouveau plan d’action varroas, envisageant de rendre obligatoire une visite vétérinaire chez chaque apiculteur et apicultrice.
Or cela fait une trentaine d’années que varroa est présent dans toutes les colonies du territoire français : qui le cherche, le trouvera immanquablement !
Nous avons et nous aurons toujours des marges de progrès pour faire face à ce redoutable parasite qu’est le varroa, mais il est incontestable que les apiculteurs et apicultrices sont de mieux en mieux formé·e·s, et de plus en plus professionnel·le·s que ce soit dans l’application des protocoles de traitement ou dans le suivi des infestations. Mais malgré ça les mortalités continuent à s’amplifier…
Ce n’est donc pas de vétérinaires qu’ont besoin les apiculteurs et apicultrices mais simplement d’une très nette et rapide amélioration de l’environnement.

Une orientation plus politique que scientifique :
« Le varroa ? Il est présent dans nos ruches depuis quarante ans. Le déclin des abeilles aurait dû être constant, or il s’est accéléré récemment. Les reines vivent un ou deux ans contre cinq ans auparavant », explique le Dr Luc Belzunces, directeur de recherche à l’Inra d’Avignon. La faute aux apiculteurs ? « Non, ils sont de mieux en mieux formés… » (Ouest-France du 27-28 oct 2018)
Malgré ces constats de scientifiques reconnus, l’État persiste à payer des vétérinaires pour pointer des causes pathologiques, alors que l’on connaît très bien l’effet potentialisateur de certains pesticides sur des maladies, virus ou agents pathogènes. Ne dit-on pas d’une personne qu’elle est malade suite à un empoisonnement ou une intoxication ?
Mais peut-être faut-il aussi fournir travail et rémunération aux nombreux vétérinaires ayant suivi récemment un module de formation à l’apiculture ?

Des moyens financiers pour mettre en avant maladies, virus, parasites ou pratiques apicoles.
Quel est l’objectif final du déploiement de cette armée de vétérinaires, formé·e·s et payé·e·s sur des crédits destinés à l’apiculture ?
L’observatoire des mortalités et affaiblissement de l’abeille (OMAA) expérimenté cette année en Bretagne et Pays de la Loire confirme cette logique qui consiste à mettre les projecteurs sur les causes pathologiques.
La recherche d’agents pathogènes a été systématisée, mais aucune analyse toxicologique n’a été réalisée sur les 20 000 ruches décimées en Bretagne en sortie d’hiver.
Même les mortalités massives aiguës, au long de la saison, n’ont fait à ce jour l’objet d’aucune communication de résultats. Y en aura-t-il un jour ?
Le parti pris de certain·e·s vétérinaires, et l’absence de sélection quant à l’intégrité exigée de ceux et celles-ci ne font que confirmer l’inadéquation de ce coûteux dispositif qu’est OMAA.

Vers un nouveau scandale sanitaire ?
Le scandale dû au chlordécone aux Antilles est-il trop éloigné de Paris pour que l’État français en tire quelques enseignements ?
Combien faudra-t-il de ruches mortes, de cancers, de maladies dégénératives, de malformations, etc. pour qu’enfin l’État exerce son obligation de protéger nos abeilles, notre environnement et notre santé ?
Depuis longtemps, de nombreux travaux scientifiques ont mis en lumière la quasi-permanence d’un cocktail de pesticides à des doses sublétales que ce soit dans le nectar, le miel, le pollen ou la cire… Les rapports de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) nous le confirment.
Nous le savons tous, il y a urgence car l’air que nous respirons, l’eau que nous buvons, l’eau de pluie, nos aliments, recèlent en permanence une quantité importante de poisons.
Bien sûr, la désinformation est très bien orchestrée par les firmes chimiques, nous y sommes de plus en plus confrontés, même dans la sphère apicole. Des apiculteurs sont clairement identifiés comme ayant des liens avec l’agro-industrie et s’avèrent être de précieux porte-voix pour elle.
Nous espérons toutefois que notre haute administration ne soit pas à ce point sous influence de ces puissants lobbyistes, pour persister dans l’ignorance de ces graves menaces ?

Passé les congratulations concernant cette enquête, qui révèle une fois de plus, que nos abeilles sont les témoins gênants d’une agrochimie dévastatrice, il faut rapidement en tirer les leçons.
Et que nos administrations mettent d’urgence en œuvre les moyens pour nous offrir un environnement plus sain. Et qu’enfin les actes soient un peu plus en adéquation avec les beaux discours politiques insistant sur l’importance de nos abeilles et des pollinisateurs en général, et sur la nécessité de mesures de sauvegarde de leur environnement.

La Fédération Française des Apiculteurs Professionnels

Communiqué : Les apiculteurs consternés par l’immobilisme de l’État suite aux résultats très inquiétants de l’enquête sur les mortalités